Critique d’art, commissaire d’exposition et auteur, Renaud Faroux occupe une place singulière dans le paysage artistique contemporain. Pour L’Officiel des Galeries & Musées, il revient sur son parcours, sur les axes qui orientent son travail et sur ses projets actuels, parmi lesquels une publication réalisée avec l’anthropologue Maurice Godelier, annoncée pour février 2026.
- Pourriez-vous nous décrire votre parcours en tant que critique d’art ?
C’est à Lille que tout a commencé à la Galerie Jacqueline Storme où j’ai découvert les artistes de la Figuration narrative. À l’université j’ai choisi l’œuvre d’Hervé Télémaque comme sujet de Mémoire et en particulier ses liens avec le Surréalisme et le Pop Art. Au début des années 1990 j’ai travaillé pour la galerie anglaise de Nicholas Treadwell et mon intérêt pour la critique d’art ne s’est pas démenti : chroniques pour la revue Artension et montage avec des amis du DDO (Doigt dans l’œil), un agenda culturel de l’Euro-région (Lille, Amiens, Londres, Bruxelles). Après la rétrospective Ladislas Kijno que j’ai organisé au Palais des Beaux-Arts de Lille, j’ai commencé à faire des piges pour L’Express et surtout pour L’événement du jeudi sous la direction de Jean-Louis Pradel. À Paris, je vais rentrer au journal Encore qui faisait la part belle aux arts plastiques avec des chroniques d’expositions, des porte-folios et des interviews : César, Jacques Monory, John Christoforou, Robert Couturier… J’ai alors pigé pour L’œil avec des portraits d’artistes : Peter Saul, Bernard Rancillac, Jean-Pierre Pincemin…
Je suis ensuite parti en Californie, à Los Angeles, pour organiser des expositions à la galerie Overtones et découvrir les écoles d’art pour des revues comme L’œil, Etapes, Rolling Stone… Cette expérience américaine a donné naissance à plusieurs essais sur la Cité des anges : Un piéton à LA publié lors de l’exposition organisée par Catherine Grenier Los Angeles Naissance d’une capitale artistique au Centre Pompidou, Narcisse à Echo Park, Premier Ticket pour East L.A., Black Kafka et un roman initiatique Whisky Sour : une traversée de l’Ouest américain. De retour en France, j’ai travaillé pour à la revue Art Absolument avec des reportages à la Fondation Leclerc de Landerneau sur Miro, Chagall, Hartung, Dubuffet, Giacometti … et des interviews de Hervé Di Rosa, Robert Combas, Mohamed Lekleti, Frédérique Loutz… Dans le même temps j’ai réalisé des vidéos pour le CNAP sur Max Ernst, Arman, Gérard Garouste, Vera Molnar… et je me suis lancé dans un grand projet avec des reportages entre Milan, Madrid, Londres, Paris : Le Pop Art en Europe, un dictionnaire subjectif avec des interviews importantes de Valerio Adami, Eduardo Arroyo, Peter Blake, Erró, Gérard Fromanger, Allen Jones… Au cours de ma carrière j’ai eu la chance de côtoyé des critiques d’art qui étaient aussi des auteurs comme Gérard Durozoi, Gilbert Lascault, Claude-Henri Rocquet…
- Quelle est la dernière exposition qui vous a le plus intéressé parmi vos visites les plus récentes ?
J’ai des goûts très éclectiques, de l’anthropologie à l’art contemporain… J’ai été voir plusieurs fois l’exceptionnelle exposition du Musée Guimet consacrée aux bronzes royaux d’Angkor. Actuellement, l’exposition de Jim Shaw à la Galerie Loevenbruck propose un décryptage visionnaire de la société américaine avec des dessins extraordinaires qui font tournoyer la tête de Trump dans des tourbillons cosmiques… J’ai eu un choc esthétique au Musée d’art moderne devant les œuvres de la plasticienne nigériane Otobong Nkanga qui met en lumière les relations complexes entre Histoire, écologie, corps, environnement.
- Quel est le dernier livre que vous avez lu?
Je lis toujours plusieurs livres en même temps… L’histoire du siège de Lisbonne de José Saramago, Nord Sentinelle de Jérôme Ferrari, Hitchcock s’est trompé de Pierre Bayard… En ce qui concerne l’histoire de l’art je travaille sur le dernier livre de Georges Didi-Huberman Brouillards de peines et de désir qui analyse les affects, les émotions, les passions et propose un vagabondage érudit entre anthropologie, psychanalyse et esthétique et sur Oser le nu de Camille Morineau qui renouvelle notre regard sur l’histoire de l’art à l’heure du « femal gaze ». Je continue à suivre avec passion la production de Serge Fauchereau qui vient de publier un ouvrage novateur sur les pays scandinaves : Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède.
- Pour finir, pourriez-vous nous parler de votre actualité, de vos prochains projets?
Actuellement je propose un séminaire en histoire de l’art à l’école de l’image Piktura sur le rendu de l’émotion depuis Giotto jusqu’à Bill Viola. Cette rentrée a été très productive avec plusieurs textes pour des expositions : L’art de vivre nomade d’Hervé Di Rosa au Château de l’Hospitalet, Peter Klasen et la métaphysique de l’urgence à la galerie Bayasli et Valerio Adami : une mémoire du cœur et de la main à la galerie Strouk… Je viens de terminer un livre d’artiste avec l’atelier Télescopique, des talentueux graphistes de Lille qui sont aussi artistes et qui interrogent la place du portrait aujourd’hui. Mon actualité la plus « chaude » reste l’histoire de l’art que nous portons depuis deux ans avec l’anthropologue Maurice Godelier et qui va sortir chez Mare et Martin en février 2026. Nous nous interrogeons sur ce qu’est la beauté dans des sociétés ou l’art n’existe pas et dans des sociétés ou l’art répond à des règles précises. C’est une approche où l’anthropologue produit des invariants de l’art et où l’historien de l’art met en place des variations.
