Maria Santos-Sainz, docteure en science de l’information, écrivaine et journaliste, s’est penchée sur la période bordelaise de Francisco de Goya, facette de sa carrière encore peu explorée. Déformation professionnelle, assurément, l’autrice a souhaité mettre en exergue les dimensions journalistique, politique et philosophique du travail du peintre.
/// Mathilde Mascolo
Nommé peintre du roi en 1785, Goya sera au service du royaume d’Espagne pendant une longue période. Il atteint le sommet de sa carrière artistique en 1799 en devenant le premier peintre de la Chambre du roi. En 1824, il s’exile en France avec son épouse Leocadia Weiss, libérale menacée par le régime. À 78 ans, le peintre explore un nouveau pan de son art à Bordeaux : il y expérimente la technique de la lithographie et s’intéresse, non plus aux puissants, mais à « ceux qui subissent l’histoire »*. Goya se concentre ainsi sur ce que l’on ne voit pas – et que l’on ne veut pas toujours voir. Des désastres de la guerre aux mendiants, femmes abusées et chiens errants, une réalité crue nous saute aux yeux. Posant son regard sur les combats quotidiens du peuple, le peintre s’éloigne du politiquement correct et s’inscrit en précurseur du photo-journalisme. Ses dessins engagés s’accompagnent d’œuvres plus personnelles où il expose ses propres tourments et obsessions. Aussi, le lecteur découvre dans ces pages l’univers intime de l’artiste – sa famille, ses amis, ses inspirations, ses engagements. En parcourant ces chapitres, on ne peut que reconnaitre le rôle précurseur de Goya dans le dessin de presse ; on ne peut qu’admettre la pertinence de sa réflexion morale et philosophique ; on ne peut s’empêcher d’y voir une résonance avec notre société actuelle.
* Terme utilisé par Albert Camus en référence à la mission de l’art et au rôle de l’écrivain dans son discours lors de la réception du Prix Nobel de Littérature.
Le dernier Goya. De reporter de guerre à chroniqueur de Bordeaux. Maria Santos-Sainz. Cairn – 20 €