Le musée des Beaux-Arts de Caen accueille cet été et jusqu’au 17 octobre 2021, les toiles de la collection Roberto Longhi, gérée par la fondation italienne à son nom et dédiée à l’héritage artistique de l’historien d’art à travers l’exposition « L’école du regard. Caravage et les peintres caravagesques dans la collection Roberto Longhi ».
/// Eléonore Blanc
Roberto Longhi (1890- 1967) est une figure emblématique de la recherche en Histoire de l’art du XXème siècle notamment par sa consécration importante à l’étude de Michelangelo Merisi (1571-1610), dit Caravage et aux artistes qui ont adopté sa manière artistique, nommés les caravagesques. Plus qu’une assimilation des techniques de Caravage, nous découvrons des artistes qui se sont approprié l’esthétique du maître Lombard pour réaliser des œuvres dans une lignée picturale à la fois similaire et différente.
La passion qui découle des recherches effectuées par l’historien de l’art, l’a mené à construire une collection de tableaux dès les années 1920, dédiée aux peintres caravagesques. L’historien de l’art et collectionneur souhaitait accompagner ses recherches avec des œuvres qui en étaient représentatives.
Le parcours de l’exposition comprend des peintures de grande qualité, de Carlo Saraceni, Battistello, Caracciolo, Orazion Borgianni, Matthias Stomer, Giovanni Lanfranco ou Mattia Preti, de toutes les époques en allant des tableaux primitifs jusqu’aux toiles des XVIIème et XVIIIème siècles.
Sa « raccolta [son recueil] – terme qu’il préfère employer pour désigner sa collection – de tableaux dont une quarantaine est présentée pour l’exposition révèle la filiation entre Caravage et la nouvelle plasticité obtenue en peinture avec l’aide de la lumière mais également sur la naissance du naturalisme. Nous entrons dans un espace d’exposition ou le lie de vin des cimaises est parfaitement approprié pour les clairs obscurs caravagesques. L’exposition débute par une petite section consacrée aux peintres vénitiens et lombards du XVIème siècle ayant joué un rôle important dans la formation culturelle de Caravage. Puis, nous déambulons parmi une quarantaine d’œuvres des caravagesques qui, tout au long du XVIIème siècle, se sont confrontés à la révolution picturale du Caravage.
Acquis par Longhi à la fin des années 1920, le Garçon mordu par un lézard illustre toute la maîtrise des mouvements par le maître Lombard. À ses côtés, le musée des Beaux-Arts de Caen a fait le choix intéressant d’exposer un dessin de Roberto Longhi. C’est d’ailleurs la première fois qu’il est présenté une vingtaine de dessins de la main du collectionneur qui témoigne de sa méthode de travail. Roberto Longhi dessinait pour mieux évaluer l’organisation spatiale et lumineuse des peintures qu’il admirait dans un musée ou de sa propre collection. Chaque dessin – comme celui réalisé par Longhi d’après le célèbre Jeune Garçon mordu par un lézard – illustre cette volonté d’observer l’appropriation du rôle fondamental de la technique du clair-obscur. Sa qualité de dessinateur était seulement un outil d’accompagnement de sa méthode d’investigation, destinée à la critique directe des œuvres elles-mêmes.
L’exposition s’attache également à présenter l’attention des caravagesques au travail de la lumière avec quelques œuvres du peintre Lorenzo Lotto (1480 – 1556). Comme l’écrit Roberto Longhi en 1911, « Lotto est un immense luministe » qui aurait surpassé le luminisme de Caravage. L’exposition L’école du regard n’est donc pas une simple illustration de la production de Caravage, ni de ses « suiveurs », mais la présentation de peintres qui se sont inspiré et approprié les techniques de Caravage jusqu’au dépassement du maître, avec leurs écritures propres. Nous observons également l’évolution stylistique de l’artiste Jusepe de Ribera (1591-1652), dont trois de ses œuvres, Saint Barthélémy, Saint Philippe et Saint Thomas démontrent la recherche d’un éclaircissement progressif avec une palette enrichie.
Nous découvrons plusieurs introducteurs du caravagisme dans quelques pays comme le peintre Orazio Borgianni (1574-1616) avec cette œuvre d’une grande puissance émotionnelle, Lamentation sur le Christ mort. Résidant à deux reprises en Espagne, Borgianni y a permis l’incursion du caravagisme.
Direction un marché animé, où les volaillères maintiennent des volailles agitées par la conscience de leur sort scellé. Nous sommes happés par la forte veine naturaliste de ce tableau, Marchandes de poules, qui en fait un antécédent important de l’art de Caravage.
La parenté entre les œuvres réunies par Roberto Longhi est indéniable. Tout au long du parcours de l’exposition, nous remarquons l’influence du naturalisme ; comment une réalité s’introduit dans la peinture, et du clair-obscur ; comment les contrastes de lumière et d’obscurité s’immiscent dans les scènes représentées. Ces deux clés de voute qui bâtissent l’œuvre du Caravage, sont bien présentes dans les tableaux de la collection Longhi et construisent une véritable école du regard, dont nous faisons part. En ce sens, le visiteur réalisera des liens, des ponts entre les œuvres présentées. Le regard, au fil de l’exposition, se façonne et emprunte le coup d’œil du chercheur Roberto Longhi, qu’on imagine observer longuement chaque toile pour y découvrir le lien qui réunirait enfin l’œuvre à son véritable exécuteur. Pour exemple, il conservait devant son lit, la toile Saint Chartreux en pleurs (Saint Bruno ?) de Giacinto Brandi – protagoniste important de la peinture à Rome dans la seconde moitié du XVIIème siècle – qu’il avait acheté sous l’attribution de Zurbaran, et qu’il put rendre finalement à Brandi.
Musée des Beaux-Arts de Caen
- Adresse : Le Château
- Code postal : 14000
- Ville : Caen
- Pays : France
- Tel : 02 31 30 47 70
- Site Internet : www.mba.caen.fr