Ex Africa Semper Aliquid Novi

Ex Africa Semper Aliquid Novi

Faisant appel à des artistes de générations, de situations et de modes d’expressions divers, le musée du Quai Branly – Jacques Chirac présente l’exposition « Ex-Africa. Présences africaines dans l’art aujourd’hui » jusqu’au 27 juin 2021. En attendant de la découvrir « en vrai », le catalogue de l’exposition se pose en garant de ce sujet en plein coeur de l’actualité.

/// Mathilde Mascolo

Comment le musée du Quai Branly a-t-il sélectionné les artistes pour ce projet ? Selon l’auteur du catalogue Philippe Dagen, la « présence avérée ou sous-entendue d’une mémoire des arts africains dans une ou plusieurs œuvres d’une ou d’un artiste » est la condition sine qua non pour faire partie de l’exposition. On assiste ainsi au regroupement d’œuvres d’artistes contemporains majeurs du monde entier.

À l’exception de Basquiat, Brown, Clavé et Penck, les artistes ont pu répondre à un questionnaire portant sur leur découverte des arts anciens Africains, la relation qu’ils entretiennent avec ceux-ci, leurs influences et apports dans leurs œuvres et leur position au sujet de la restitution du patrimoine africain aux pays d’origines des œuvres.

Les réponses personnelles rédigées sous des formes variées donnent corps aux œuvres présentées. Ces témoignages, ces positions purement individuelles apportent une clarté incroyable sur ce sujet fondamental qui se doit de tous nous interpeller.

Le catalogue, comme l’exposition, s’articule autour de trois mots.
Pop tout d’abord, relatif à l’appropriation, à l’hybridation des produits de consommation, où les œuvres africaines sont vidées de leur substance, cantonnées à des signes visuels utilisés pour le divertissement et la publicité.

Métamorphoses ensuite, où les formes sont réanimées, voir réhumanisées. L’on bascule ainsi du masque vers l’humain, et ces formes prennent vie aujourd’hui.

Activations enfin, avec la présence de références aux arts anciens d’Afrique dans les œuvres contemporaines à sujets religieux, politiques ou sexuels.

Ainsi, les art anciens d’Afrique ne sont ni morts, ni enterrés, au contraire ! « Ex-Africa » se pose en tant que contre-exposition de « Primitivism » de 1984 au MoMA, où étaient exposées les œuvres de populations africaines, océaniennes et amérindiennes appelées à l’époque « primitives » et comparées à la création contemporaine, qui ne prenait alors en compte que la création occidentale. Cet occidentalocentrisme a vidé de sa substance ces œuvres et a dépossédé leurs créateurs.

Il s’agit donc, en 2021, de remettre les choses à leur place : tout d’abord en se dégageant des stéréotypes qui hantent nos sociétés depuis des générations, et en permettant aux artistes issus du continent africain d’être reconnus au même titre que les artistes occidentaux. Si le catalogue s’adonne à montrer l’évolution en ce sens depuis les quatre dernières décennies, on ne peut que constater le long chemin qu’il reste encore à parcourir.

Il nous faut finir sur le texte de Souleymane Bachir Diagne : « Toujours Afrique apporte quelque chose de nouveau » (tiré d’un écrit de Pline l’Ancien), superbe analyse à découvrir dans le catalogue.

Ex-Africa. Présences africaines dans l’art aujourd’hui. Philippe Dagen. Catalogue de l’exposition au Musée du Quai Branly – Jacque Chirac tenue du 9 février au 27 juin 2021. Gallimard –  42 €