L’œil du monde de Pascal Dethurens

L’œil du monde de Pascal Dethurens

En cette période de confinement, où la fenêtre est le cadre d’un monde dont nous ne sommes plus que les résignés spectateurs, il fait bon lire l’ouvrage de Pascal Dethurens.

/// Emma Noyant

Dans cet essai où peinture, littérature et musique s’entrecroisent, l’auteur explore le motif de la fenêtre comme espace signifiant, révélateur de notre rapport au monde. De Proust à Mallarmé, de Van Eyck à Bonnard, l’on y circule par analogie. L’on y virevolte de Shakespeare – avec Roméo disant tout son amour à Juliette sous son balcon, dans le jardin des Capulet  – à  Maeterlinck – dont Pelleas demande à Mélisande de se pencher par l’encadrement, afin qu’il puisse voir ses cheveux dénoués. Pour les personnages présentés dont la fenêtre n’est pas le lieu de l’apparition du sujet de leur convoitise, elle invite au contraire à l’évasion, voire préserve. Dans La mort de la vierge (1458) peinte par Petruc Christus, la fenêtre est une béquille, un bout de liberté par où fuite le regard, une échappatoire à l’ambiance intérieure trop lourde à supporter, où il s’agit de veiller ensemble une femme décédée. La fenêtre doit embellir la vie, adoucir le monde, sinon quoi ? Dethurens rappelle que dans le « Le mauvais vitrier » du Spleen de Paris (1896), Baudelaire s’étonne que le vitrier n’ait pas de « verres de couleurs, des verres roses, rouges, bleus, des vitres magiques, des vitres de paradis ». Parfois, la fenêtre est le tout et fait l’éloge du vivant, comme chez Matisse où jubilent les couleurs. Elle diffuse alors un intense sentiment d’apaisement dans toute la toile, donne un sens uni au monde. D’autre fois, elle est le rien : Dans le Soleil dans une chambre vide (1963) d’Edward Hopper, la fenêtre est une manifestation tangible de l’attente non comblée. Par son vide, elle inspire l’asphyxiante monotonie.

Qu’elle induise une ouverte sur le monde dynamique ou, au contraire, un retrait statique, qu’elle offre l’image d’un ailleurs meilleur ou sublime la simplicité d’un quotidien banal, ce livre montre que, toujours, dans l’histoire de l’art et de la littérature, qu’elle dise la liberté, le divin ou l’amour, la fenêtre a inspiré.

L’oeil du monde, Images de la fenêtre dans la littérature et la peinture occidentale. Pascal Dethurens. L’Atelier contemporain – 25 €