Magie de l’alphabet sacré arménien avec l’artiste NINA

Magie de l’alphabet sacré arménien avec l’artiste NINA

 

La Galerie de Buci à Paris présentera du 17 juin au 31 juillet 2021, la nouvelle exposition de l’artiste d’origine arménienne NINA (Nina Khemchyan). Nous trouverons dans cette exposition une vingtaine de sculptures sphériques d’argile, gravées des trente-huit lettres de l’alphabet arménien. Celles-ci habillent magnifiquement la matière avec une empreinte mystique. Ces créations nous donnent le sentiment d’avoir été touché par la magie.

Cette conversation avec Nina Khemchyan offre un aller simple pour un voyage poétique dans l’univers de la calligraphie arménienne.

/// Eléonore Blanc

 

1. Comment est née votre vocation artistique ? Est-ce qu’à un moment donné, vous vous êtes dit « je veux être artiste » ?

 

Je pense que je dessinais comme tous les enfants. Mais il y a eu une expérience dans ma vie qui a déclenché mon orientation vers la pratique artistique. Juste avant le baccalauréat, je n’ai pas été admise aux examens à cause d’une mauvaise note en mathématique. C’était une véritable catastrophe pour moi. Le redoublement a été un échec, et je n’ai plus voulu continuer mes études. J’ai alors décidé de me lancer dans les études d’art car c’était la seule chose qui m’intéressait. C’est avec cet échec que j’ai finalement découvert ma vocation.

 

2. Quelles sont vos sources d’inspiration dans votre processus créatif ? Comment avez-vous choisi la thématique pour votre exposition actuelle ?

 

Mes inspirations sont très changeantes. Elles dépendent des moments de vie, des expériences, et tout cela se mêle. Par exemple, pour cette exposition, c’était un voyage dans le temps. Je me suis retrouvée au Vème siècle en Arménie, et j’ai voulu rendre hommage à ce grand homme, Mesrop Machtots. L’Arménie n’est pas dans une situation facile en ce moment, et c’est ce qui m’a motivé à faire ce voyage dans le temps afin de comprendre l’histoire, recomposer les évènements et partir sur les traces de l’alphabet arménien et ses ancêtres.

 

©Nina Khemchyan

 

3. Pouvez-vous nous parler plus de Mesrop Machtots et de l’alphabet arménien ?

 

Mesrop Machtots était un moine, lettré, linguiste, missionnaire chrétien et théologien arménien. Il a conçu notre alphabet en 405 et a permis ainsi à l’arménien de devenir une langue écrite. L’alphabet arménien a quelque chose de cosmique. Chaque lettre est en même temps un chiffre. Chaque voyelle correspond à des planètes. Et depuis quinze siècles, cet alphabet n’a pas changé !

Du point de vue de la calligraphie, c’est beau. La base de chaque lettre c’est une croix appelée « Croix de soleil », où le symbole solaire. Comment je me suis plongée dans les lettres ? Par les écritures, les manuscrits arméniens présents dans les musées du monde entier. Le Moyen-Age m’a beaucoup aidé dans mes recherches. Les lettrines étaient justement tracées sous la forme de créatures humaines, animalières et végétales. J’ai été tout de suite fasciné. « Comment ont-ils pu imaginer ça ?» me disais-je. C’est leur imagination qui m’a marqué.

 

NINA, Renaissance, 2021, céramique, faïence chamottée, oxides des métaux, or, platine, 48cm ©Nina Khemchyan

 

4. Comment avez-vous intégré cet alphabet dans votre art ?

 

Dans mon travail, il y avait plusieurs chemins que je pouvais approfondir. D’abord, j’ai gravé les trente-huit lettres de l’alphabet avec un entremêlement volontaire. Cette écriture est donc devenue très abstraite et très sensuelle. Mon but n’était pas d’écrire simplement les lettres, mais plutôt d’utiliser le graphisme, son dynamisme pour laisser chacun de nous interpréter les tracés.

Seule la personne qui connaît l’alphabet arménien peut trouver les lettres.

Le deuxième chemin que j’ai approfondi pour rendre compte de cette imagination fantastique, c’est celui des lettres devenues figures humaines, animales ou végétales. En utilisant les lettres comme cela, je symbolise quelque chose. Par exemple, ce S que voyez signifie un Saint par la figuration du Saint auréolé que j’en ai fait. 

 

©Nina Khemchyan

 

5. Est-ce la première fois que vous travaillez cette thématique ?

 

Oui c’est la première fois, je n’avais jamais fait cela. Avant, toutes mes créations étaient plutôt érotiques. Je ne sais pas ce qu’il se passe, je deviens plus sage avec l’âge peut-être (rires) !

Mon travail actuel devient plus spirituel. Au premier confinement, j’ai conçu deux œuvres avec des questionnements sur l’avenir, l’identité et le rapport aux autres. Je travaille beaucoup plus sur le corps humain. L’Homme m’intéresse, les secrets de son esprit aussi et j’essaie de le transmettre dans ma représentation des corps. Mais vous remarquez que tous les personnages vous laissent une interprétation très libre. Je ne veux pas imposer une seule vision. Je pense que l’art est ressenti différemment et mon art suit cela.

Par exemple, pour mes créations exposées à la Galerie de Buci, je ne voulais pas que le symbolisme soit imposé au regard. En utilisant les lettres, je vous laisse imaginer ce que vous voulez.

 

4. Depuis combien de temps travaillez-vous sur cette production ?

 

Depuis un an. Mais j’ai toujours eu l’intention de faire ce travail. Ce n’était juste pas encore le moment. Cette année, j’ai ressenti cette nécessité de rendre hommage à Mesrop Machtots, à l’alphabet arménien et peut être, laisser une trace de Mesrop Machtots dans mon travail. C’était très intéressant car quand je travaillais, je lisais beaucoup, et je me disais toujours « mais comment faisaient -il ça ? ». J’ai toujours été fasciné.

 

6. Quels sont vos projets futurs ?

 

Il faut me poser cette question dans quelques mois (rires) ! je viens de finir cette série, et puis les projets, je ne sais pas, je fais en fonction des propositions que l’on me fait et des idées qui me viennent également. Une fois le moment, je les matérialise.

 

7. D’un point de vue technique, pouvez-vous nous rappeler les étapes de création ?

 

La première étape est le modelage ; je monte la sphère à la main uniquement. Puis je grave le dessin avec un outil. Et j’essaie de ne pas faire de croquis avant. Répéter, faire une deuxième fois la même chose ça n’a pas d’intérêt pour moi. Surtout que je veux garder la spontanéité du geste. Pour les dessins plus compliqués, je peux faire quelques croquis, mais en général, j’en fais très peu. Une fois que j’ai gravé, je laisse alors sécher la pièce. Puis, je peux travailler avec les oxydes et engobes. Je réalise alors la cuisson qui prend dix heures. Je fais très attention à ce que mon tracé reste sensuel. Si je dois mettre de l’or, je fais une seconde cuisson basse température.

 

NINA, Le mot, 2021, céramique, faïence chamottée, oxides des métaux, or, platine, 34 cm ©Nina Khemchyan

 

8. Un dernier mot, Nina ?

 

L’exposition à la Galerie de Buci sera axée sur une esthétique de pureté. Mes pièces donnent une grande place au blanc, et l’espace d’exposition sera parfait pour leur donner une belle luminosité.

 

 

NINA, Alphabet 1, 2021, céramique, faïence chamottée, oxides des métaux, or, platine 38cm ©Nina Khemchyan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Galerie De Buci

  • Adresse : 73 rue de Seine
  • Code postal : 75006
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 88 48 06 18
  • Site Internet : http://buci.gallery/
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Galerie De Buci

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