Contes et grivoiseries chez La Fontaine

Contes et grivoiseries chez La Fontaine

En hommage à La Fontaine, les éditions Diane de Selliers rééditent pour les 400 ans de la naissance du fabuliste les Contes, épuisés jusqu’alors, illustrés par Fragonard.

/// Mathilde Mascolo

Qui n’a pas étudié les Fables de La Fontaine à l’école ? La cigale et la fourmis, Le corbeau et le renard… ont bercé l’enfance d’un grand nombre d’entre nous, nous inculquant certains préceptes moraux. Depuis leur publication à la fin des années 1600, plus d’un peintre s’est essayé à l’illustration de celles-ci. Et quand est-il des Contes ?
Moins connus que les Fables, ces soixante-six récits reflètent tout aussi bien l’esprit de Jean de La Fontaine. En effet, si les fables dévoilent chez La Fontaine l’âme d’un pédagogue averti, il s’agit plutôt ici de montrer le caractère libertin de l’auteur.

Ce recueil est ainsi composé de contes et nouvelles grivois, jugé licencieux à l’époque. C’est pourtant ces écrits qui ont constitué le premier succès de La Fontaine : jouant avec la sexualité implicite, il s’amuse à remanier les traditionnels contes grossiers pour les transformer en œuvres raffinées.
Suggestion, dérobade et provocation sont les maitres-mots de ses Contes. C’est en 1770 que Fragonard se penche sur ceux-ci. S’imposant alors comme une des sources principales de l’art galant, qui semble cependant s’essouffler à l’époque, le recueil est illustré à hauteur de cinquante-sept dessins par le peintre.
Et l’on ne peut que saluer l’osmose entre écrits et illustrations. La parfaite maitrise du lavis de bistre par Fragonard rend indéniablement justice aux contes et nouvelles, qui prennent ainsi vie sous les doigts du peintre.

Que dire de « La Servante justifiée »? Cette nouvelle libertine, bien loin de la morale enseignée, est tirée des « contes » de la reine de Navarre. Fragonard immortalise l’histoire en dépeignant la servante et son maitre allongés l’un sur l’autre dans une position suggestive au milieu d’un jardin fleuri, épiés de loin par une voisine. La scène est posée et permet bien aisément d’imaginer sa suite.
Si les Contes de La Fontaine ont été publiés assez rapidement – mais non sans difficulté -, la publication illustrée, elle, a connu quelques déboires. Une vingtaine d’années après la réalisation des dessins, le célèbre éditeur Pierre Didot publie un premier volume. Malheureusement, au vu du contexte politique et social, il en restera là. En 1934, le Petit Palais acquiert les cinquante-sept dessins de Fragonard, l’édition de ceux-ci étant alors prévue. Cette fois-ci, c’est la Deuxième Guerre Mondiale qui vient interrompre le projet. Il a fallu attendre le XXIe siècle pour apprécier dans sa totalité le recueil des Contes de La Fontaine illustrés par Fragonard, aux éditions Diane de Selliers.

Les Contes de La Fontaine – illustrés par Fragonard. Édition Diane de Selliers – 49 €